Produire du vin à Velesmes-Essarts aujourd'hui peut
paraître étonnant, pourtant cela témoigne du riche passé
viticole du village, car on y cultivait beaucoup de vigne.
En 1773, on dénombrait 101 arpents soit environ 30 hectares.
On en recensait encore 12 hectares en 1852 et 4 en 1909.
Actuellement, il ne reste plus que 45 ares sur la partie
haute du village soit dix fois moins qu'il y a un siècle. Si
la vigne n'est plus très présente, elle a laissé de
nombreuses traces sur le plan cadastral, comme le «chemin du
dessus des vignes» ou les «prés de Sobant».
|
Autrefois, chaque famille possédait sa vigne car c'était
tout simplement le seul moyen d'avoir du vin, parfois cette
boisson était plus saine que l'eau qui était à disposition.
Lors de l'épidémie de fièvre typhoïde que subit le village
en 1801, le médecin avait signalé au préfet la mauvaise
qualité de l'eau du village. A cette époque, les vins de la
région de Besançon étaient réputés pour leur bonne garde.
Pour les familles, la vente du raisin ou du vin pouvait
aussi être un bon complément de revenus.
|
Le déclin de la vigne commença par l'apparition de nouvelles
maladies parasites comme l'oïdium et le mildiou. Les vignes
qui n'étaient pas protégées dépérissaient et finissaient par
mourir. Pour assurer une récolte il fallait traiter
régulièrement, ce qui représentait beaucoup plus de travail
qu'auparavant. En 1884, le Phylloxera arrive des États-unis
avec une cargaison de pommes de terre dans le port de
Bordeaux. La maladie se propage rapidement et fait mourir
toutes les vignes. C'est la principale cause de la
disparition de la vigne, car ceux qui veulent conserver la
vigne doivent faire l'effort de replanter et cela confisque
souvent les terrains les mieux placés.
|
Pour continuer à faire du vin, on replante alors les vignes
avec de nouveaux cépages résistant au champignon du
Phylloxera. Ce sont les «plants américains» qui portent des
numéros (comme le 5455) et les «hybrides directs», comme le
Noah, le Baco ou le Pousin. A Velesmes-Essarts, la plupart
des vignes a été replantée avec ces variétés qui étaient
très productives, mais qui produisait un vin de soif, un vin
violet, rude, qui happait la langue et qui grattait le
gosier. C'était pour le paysan la récompense de son travail.
Le degré alcoolique était très souvent faible, proche de
9°et une fois le premier vin fait, on faisait à nouveau
fermenter le raisin en ajoutant de l'eau et du sucre pour
obtenir la piquette.
|
Après-guerre, l'amélioration des voies de communication
diffusa largement les vins du midi et d'Algérie. Ces vins
étaient souvent meilleurs car beaucoup plus doux et fruités.
Pour ces raisons, on délaissa petit à petit les vignes Ã
Velesmes d'autant plus que l'état octroyait des primes aux
propriétaires qui acceptaient d'arracher leurs vignes de
Noah. Comme l'absinthe, ce cépage était accusé de rendre
fou. A cette période, entretenir une vigne devenait un luxe
qui demandait un supplément de travail qu'il fallait
effectuer à la main alors que pressaient les autres travaux
aux champs ou à la ferme. Comme la récolte était toujours
hypothétique et le plus souvent médiocre, beaucoup ont
profité des dernières primes dans les années 50 pour
arracher.
Dans les années 60, seules quatre familles de
Velesmes-Essarts possédaient encore leurs vignes, d'une
dizaine d'ares chacune, pour le plaisir de produire un peu
de vin , comme celle de la famille de Jean Jouffroy (voir
photo). Cette vigne a eu la particularité d'être traversée Ã
plusieurs reprises par un char de l'armée américaine lors de
la libération du village en septembre 1944. Cette année-là ,
les tonneaux n'ont pas tous été remplis.
La construction des nouvelles maisons du village à partir de
la fin des années 60 fit disparaître les dernières vignes du
village. Toutes sauf celles d'Henry Jouffroy, qui continua Ã
cultiver sa vigne au centre du village et qui l'est toujours
aujourd'hui. La vigne est devenue une affaire de passionnés.
Sur cette parcelle de 45 ares idéalement exposée, il
conserva des cépages hybrides et directs, comme le 5455 pour
le vin rouge. Afin d'améliorer la qualité de ces vins, il
replanta en grand nombre des cépages greffés, comme on en
retrouve dans la plupart des grands vignobles. Pour les vins
blancs, on trouve du Chardonnay et du Savagnin. Pour les
vins rouges, Mr Jouffroy avait porté son choix sur le Gamay
(cépage du Beaujolais), mais on peut aussi trouver quelques
ceps typiquement jurassiens, le Trousseau et le Poulsard.
Le vin rouge produit par ces plans greffés ne ressemble plus
du tout au «grato» d'autrefois, quant au vin blanc, il se
rapproche dans les bonnes années des vins du Jura. C'est un
vin qui a une forte personnalité avec une influence du
terroir très prononcée. il ne ressemble pas aux vins
pourtant très proches de Routelle ou de Boussière ou
d'Avanne.
Même s'il ne reste plus que quelques ares de vignes,
Velesmes-Essarts connaît encore tous les ans début octobre
ses vendanges, oû comme autrefois , toute la famille et les
amis gagnent la vigne tôt le matin. Chacun prend son rang de
vigne et son seau, et commence la danse active des
sécateurs. Aujourd'hui encore les vendanges restent une fête
et le bouquet final d'une saison de labeur.